Fournier Kiss, Corinne (11 November 2022). Le fleuve Amazone et la crise environnementale dans la pensée amérindienne (Unpublished). In: Raviver l'eau. Pour une écopoétique comparatiste. Colloque du CIEL. Lausanne. 9-11 novembre 2022.
Full text not available from this repository.Depuis des Descola et Viveiros de Castro, l’anthropologie caractérise la cosmogonie amérindienne comme étant une cosmogonie « animiste » et « multinaturaliste » – c’est-à-dire une cosmogonie dans laquelle seule la physicalité (corps) distingue les humains, les plantes, les animaux et les esprits, alors que leur intériorité est identique (tous sont des sujets sentients).
C’est ainsi que dans les mythes amérindiens, le fleuve Amazone a une origine à la fois animale, humaine et végétale. On trouve une version de ce mythe dans les "Cuentos Amazónicos" du Juan Carlos Galeano par exemple. Dans des temps anciens, il y eut une période de famine dans la forêt : une jeune fille à la recherche de nourriture rencontre un jour un énorme verre de terre qui, en la voyant, se transforme en jeune homme qui lui promet de lui fournir tous les jours de la nourriture en abondance pour sa tribu. Le jeune homme se transforme alors en arbre gigantesque ployant sous la prodigalité de ses fruits. Un jour cependant, l’arbre est abattu, la famine est de retour. Le gros tronc d’arbre en train de pourrir sur le sol se métamorphose alors en le plus long fleuve du monde, l’Amazone, tandis que toutes ses branches deviennent des affluents de celui-ci. La fertilité des eaux et des rives de l’Amazone et de ses tributaires est assurée par la Mère des Eaux qui habite au plus profond du fleuve sous la forme d’un immense serpent, un Anaconda géant.
Ces récits, loin d’être le résultat d’enfantillages « primitifs », sont dans les faits des représentations sophistiquées d’une manière fondamentalement écologique d’habiter le monde : dans la cosmologie amérindienne, les fleuves et rivières sont considérés comme les veines de la terre et comme les sources de la vie par excellence, et il s’impose d’entretenir avec eux des relations faites de respect, de ménagement et de gratitude. L’exploitation éhontée de l’Amazonie depuis la colonisation a cependant fini par complètement bouleverser cet équilibre : l’Amazonie est devenue un supermarché, une banque où tout un chacun peut venir et se servir à volonté (cf. Chanchari Pizuri). Les rivières sont détruites, déviées, vidées de leurs poissons à cause de la surpêche, désertées par les animaux qui venaient y boire, contaminées par des substances hautement toxiques (telle que le mercure utilisé pour l’extraction de l’or) et, au lieu d’être source de vie pour leurs riverains, elles deviennent incapables de les nourrir et leur apportent de nombreuses maladies, sinon la mort.
Dans ce contexte où la viabilité écologique de l’Amazonie – et par extension, celle du monde – est menacée, nous aimerions montrer que si les récits des cosmovisions indigènes ont déjà influencé certains chefs-d’œuvre de la littérature sud-américaine, ils doivent être pris au sérieux par les Européens aussi. Car ils aident à penser l’absence de frontières ontologiques entre les humains, les plantes, les animaux et les esprits et nous rappellent qu’il n’y aurait pas d’humains sans les « autres-que-les humains ». Avant de fuir à jamais, la Mère-Serpent des Eaux, dans sa colère, pourrait bien punir ceux qui la maltraitent en les engloutissant.
Item Type: |
Conference or Workshop Item (Paper) |
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Division/Institute: |
06 Faculty of Humanities > Department of Linguistics and Literary Studies > Institute of French Language and Literature |
UniBE Contributor: |
Fournier Kiss, Corinne |
Subjects: |
200 Religion 300 Social sciences, sociology & anthropology 800 Literature, rhetoric & criticism > 860 Spanish & Portuguese literatures |
Language: |
French |
Submitter: |
Corinne Ingrid Fournier Kiss |
Date Deposited: |
12 Apr 2023 06:40 |
Last Modified: |
12 Apr 2023 06:40 |
Uncontrolled Keywords: |
mythes, cosmovisions indigènes, Amazone, environnement, métamorphoses |
URI: |
https://boris.unibe.ch/id/eprint/181656 |